Comme un poisson dans Lyon

Il suffit d’ouvrir n’importe quel ouvrage de cuisine consacré à Lyon pour se rendre à l’évidence : le poisson est très peu, voire pas du tout présent dans l’histoire gastronomique de la ville, tripière et charcutière dans l’âme. Ce qui semble on ne peut plus logique, compte tenu de la position géographique de la capitale des Gaules, nourrie de viandes et gibiers, au mieux de poissons d’eau douce pêchés entre étangs et rivières*. « À Lyon on est loin de la mer. Pour acheter du poisson on a longtemps multiplié les intermédiaires : le grossiste achète du poisson à la criée puis le vend à un distributeur qui le propose ensuite aux restaurants. On perd facilement trois jours et on se retrouve avec des poissons de qualité médiocre à des prix exorbitants », explique Floriant Rémont, chef du Bistrot du Potager, à Lyon 7e. Originaire des Landes, le poisson il connaît bien. Pour contourner le problème, il a très tôt choisi de travailler en direct avec des artisans-pêcheurs, comme Côté Fish au Grau-du-Roi, utilisant le service de transport frigorifique Chronofresh pour bénéficier des produits les plus frais possibles. Depuis quelques semaines, il reçoit également deux fois par semaine le fruit de la pêche de son ami Étienne Fossey, patron pêcheur du navire Le Petit Prince à Cherbourg, qui travaille au casier. «Cela demande des efforts mais c’est le prix à payer pour avoir de beaux produits en cuisine», insiste le quadragénaire. Même ténacité de l’autre côté du Rhône, chez Maxime Laurenson, chef étoilé du restaurant Rustique. 

Silure, sushis et cie 

Attaché à défendre l’histoire de son territoire, Auvergne-Rhône-Alpes, il a banni dès la création du restaurant les produits de la mer comme le homard, au profit d’espèces locales. Quitte à faire des erreurs, rectifiées depuis. « L’ultralocavorisme conduit aussi à des dérives car c’est bien beau de choisir des produits venus du bout de la rue mais si la qualité n’est pas au rendez-vous ou que nous sommes dans un mode de production intensive alors je préfère élargir mon périmètre de sourcing et trouver une alternative », détaille le chef qui a monté une filière dédiée au silure ! « C’est un poisson qui souffre d’un délit de sale gueule alors qu’il est très intéressant gustativement. Surtout, c’est un poisson qui pèse sur l’écosystème; le prélever permet de soulager des espèces menacées par ce carnivore et par la consommation humaine. Il n’y a que des avantages. » Afin de garantir un revenu stable à son pêcheur, installé en Saône-et-Loire, Maxime a fait de l’animal un des piliers de sa carte. Pari gagnant. Après avoir goûté ses créations, la majorité des clients change de point de vue sur le potentiel gourmand de la bestiole. Une question de culture qui devrait occuper Steve Sagbo ces prochaines semaines. Dans un tout autre registre, l’entrepreneur vient d’ouvrir du côté de Gorge-de-Loup, dans le 9e arrondissement, un restaurant festif, doublé d’une carte « asian fusion » : Poissonchat. Imaginée par l’architecte Régis Botta, l’adresse prend le large côté volume et des rondeurs d’aquarium. Le style est sophistiqué, la palette chromatique pensée pour s’embraser. Avec podium central, lumières d’ambiance et large choix de cocktails, le spot est clairement taillé pour le soir tout comme la carte, riche en tapas de la mer: ceviche, crevettes tempura et sushis réalisés minute par le chef sushi Bounphanh Soukkasene. Plus Saint-Tropez que criée bretonne mais clairement rafraîchissant.

* Pour rappel, il est déconseillé de consommer les poissons pêchés dans le Rhône et la Saône.

Où acheter son poisson à Lyon ?

Créée en 1868, la poissonnerie Joanny Durand, implantée aux Halles depuis toujours, serait la plus ancienne de France. Si ce n'est pas une revanche ça...

Fondée en 1967, l'enseigne familiale est aujourd'hui pilotée par le Meilleur ouvrier de France poissonnier-écailler, Jean-Luc Vianey.

Installée à Thurins, où elle tient boutique, la famille Sertel en est à sa quatrième génération de poissonniers ! A retrouver sur les marchés de la Croix-Rousse, de Tête-d'Or et de Saint-Martin-en-Haut.

Carnet d'adresses

Le Gabion

Une institution. Amarré depuis 20 ans dans le quartier de la Part-Dieu, on y pioche des assiettes soignées, garnies de tartare de thon au couteau, de saumon gravlax ou de bar entier à la Colbert (ou en portefeuille), sauce vierge.

Poissonchat

© Salomé Rateau

Hautement instagrammable avec ses couleurs pop et ses miroirs au plafond, Poissonchat ne joue pas dans la catégorie pêche durable mais lorgne du côté des voyages et de l’Asie, proposant sushis, ceviche ou encore black cod au miso, clin d’œil au plat signature du maître de «l’asian fusion» : Nobu Matsuhisa. Pour aller avec? Jolis cocktails et burger au wagyu. 

Le Bistrot du Potager

© Sabine Serrard

Parmi les spécialités de la maison? Les couteaux gratinés et le merlu à la navarraise, souvenir de l’enfance landaise du chef.

Noé - Atelier de la Mer

Coup de cœur pour cette poissonnerie-atelier-conserverie-fumoir-restaurant qui annonce la couleur (bleue) d’emblée. Ici, on aime la mer et le poisson sous toutes ses formes, surtout quand il se donne des airs de charcuterie (boudin blanc de Saint-Jacques, saucisse thaïe de lotte, figatelle de rouget, mortadelle de fruits de mer…). Pêche durable, aquaculture naturelle et plats qui vous embarquent direct au large.

Le Boissonnier

Installé à l’étage de la poissonnerie Le Comptoir de l’Océan, le restaurant Le Boissonnier pioche allègrement dans les trésors du rez-de-chaussée (filet de bar sauce ail noir, tataki de thon, plateaux de fruits de mer, huîtres, linguine alle vongole et même bouillabaisse) pour régaler ses initiés.

Rustique

© Nicolas Villion

Ambassade étoilée d’un terroir aurhalpin plein de surprises, Rustique hameçonne avec talent leplus mal-aimé des poissons : le silure. 
Sous son couteau, ce super prédateur d’eau douce se déguste en filet, en tarama ou fumé comme un haddock.