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Alexandre Lloveras, sur la route des Jeux Paralympiques

Publié le 03/06/2024

À 24 ans, le paracycliste Alexandre Lloveras est l’un de nos meilleurs espoirs de médaille aux Jeux Paralympiques 2024. Malvoyant de naissance, étudiant kiné à Lyon et déjà Champion Olympique en 2021, le sportif se bat aujourd’hui pour décrocher sa place dans la sélection Olympique, forçant l’admiration par sa détermination à toute épreuve. Bluffant de gentillesse et de disponibilité, il a accepté de partager avec nous un peu de son quotidien entre deux entraînements.

Par Audrey Grosclaude.

Notre rencontre avec Alexandre Lloveras.

Champion paracycliste, vous avez commencé le sport de haut niveau en athlétisme, racontez-nous !

J’ai commencé l’athlétisme à 12 ans. Je faisais du  800  mètres mais ma grande spécialité, c’était la blessure (rires). Quand je suis arrivé à Lyon en sport-études en 
seconde, les six premiers mois, j’ai eu une très grosse progression mais ensuite j’ai enchaîné toutes sortes de blessures. 
C’était très frustrant de voir mon rêve de participer aux Jeux s’éloigner car je savais qu’il y avait du travail et que je perdais du temps.

Finalement, vous vous retrouvez sur un vélo…

J’ai toujours fait un peu de vélo avec mon père car on avait un tandem à la maison mais le changement s’est joué en terminale. J’étais blessé et je devais faire un stage de préparation avec l’équipe d’athlétisme. Je pensais y aller et faire du vélo en salle. Ma mère s’est dit que tant qu’à faire, il y avait peut-être mieux. Elle a trouvé un stage de paracyclisme au même moment. Là, j’ai roulé avec Dorian Foulon (triple champion du monde cette année à Rio et médaille d’or en poursuite 
individuelle C5 à Tokyo en 2021, NDLR
) qui avait déjà un très gros niveau. Les sensations de vitesse dans les descentes, le sentiment de liberté : j’ai accroché 
direct !

Vous roulez en tandem, avec un pilote, comment choisit-on son coéquipier ?

La première règle, c’est que le pilote ne peut pas faire partie d’une équipe professionnelle. Forcément, il faut qu’il ait le meilleur niveau possible parce que c’est un sport d’équipe. En comparaison avec l’athlétisme, où le guide court à la vitesse de l’athlète, en vélo c’est vraiment une performance à deux, ça s’additionne, c’est un sport d’équipe à part entière. Les pilotes sont castés par la fédération. Mon coéquipier des Jeux de Tokyo, Corentin Ermenault, tente de décrocher sa sélection olympique chez les valides. Aujourd’hui, je cours avec Yoann Paillot. Il est meilleur sur les efforts plutôt longs, moi, sur les efforts plus courts. On apprend à fonctionner ensemble pour exploiter le meilleur des qualités de l’un et de l’autre. Au-delà de la performance, l’humain est très important dans le binôme parce qu’on est tout le temps ensemble, il vaut mieux s’entendre.

À quoi ressemblent vos journées ?

On est souvent en stage avec l’équipe de France, au vélodrome de Roubaix. Là, on s’entraîne deux fois par jour. Le matin sur la piste, l’après-midi sur la route. Ce sont des stages assez intenses. Quand je suis à Lyon, je roule avec des pilotes rencontrés au fil du temps et par le biais du Tandem Club Rhodanien qui m’accompagne depuis 2018. Un défi est organisé pour m’encourager: ils vont rouler pendant cinq jours, à une centaine de tandems, de Lyon à Paris, pour la cérémonie d’ouverture. 

« Le vélo en tandem est un sport d’équipe à part entière »

À Lyon, quels sont vos terrains d’entraînement favoris ?

Il y a plein de possibilités : on va au nord quand on veut faire du plat, ou dans les monts d’Or, les monts du Lyonnais, le Beaujolais, parfois dans le Pilat. Pour les 
entraînements d’endurance, tout ce qui est “intensité”, je le fais sur home-trainer à la maison, c’est un vélo fixe avec une plateforme qui bouge pour se mettre
en danseuse. Et j’utilise l’application de cyclisme virtuel Zwift. Cela me permet de faire les blocs d’entraînements précis proposés par l’entraîneur de l’équipe de 
France, Mathieu Jeanne*, sans être gêné par la circulation. Ce qui manque ici, c’est un vélodrome indoor. Celui du parc de la Tête-d’Or est en extérieur et il n’est pas 
olympique. À un moment, il a été question d’en faire un à Décines. C’est dommage que cela ne soit pas allé au bout.

* Alexandre travaille aussi la préparation physique au Club Victor-Hugo, à Lyon 8e, avec Ludovic Perge et Maxence Praly ; et la préparation mentale avec Yannick Bertrand.

Vous racontez souvent qu’il est presque plus dur de se qualifier pour les Jeux que de décrocher une médaille dans votre sport ?

Il y a une telle densité et un tel niveau chez les athlètes français que certains peuvent prétendre à une médaille olympique sans réussir à être sélectionnés. Aux Jeux, on a quelque chose de particulier : les quotas. C’est ce qui permet d’avoir de la représentativité, de voir concourir autant de pays. En France, on est environ une vingtaine d’athlètes pour une douzaine de places. C’est une émulation positive, on se tire vers le haut mais on sait que tout le monde n’y sera pas. 

Comment fonctionnent ces qualifications ?

Je serai fixé le 15 juillet. Pas avant. Il y a un système de critères : une médaille d’or aux championnats du monde 2024 vous classe en critère  1, une médaille aux mondiaux de 2023 en critère  2, être multimédaillé lors de précédents championnats du monde en critère 3… Pour le moment, je ne suis pas dans la première partie de la liste et ça va être chaud, mais j’ai bon espoir que ça passe. Je suis d’autant plus confiant que l’on a trouvé de gros tips pour gagner du temps lors de notre dernier passage en soufflerie avec Yoann. L’air, c’est la première chose qui nous ralentit quand on est à 50 km/h. On a fait plein de réglages, testé le vent dans l’axe, à 5°, 10°, avec différentes positions et différents casques. Tous ces détails peuvent avoir un impact très important.

En parallèle, vous suivez des études de kinésithérapie, pourquoi ce métier ?

Je l’ai choisi assez tôt. J’avais déjà choisi cette spécialité pour mon stage de 3e, et ensuite, avec toutes mes blessures, j’ai pu apprécier et valider mon choix (rires). J’aime l’idée de rééduquer, d’accompagner un patient pour progresser ou éviter une régression. C’est aussi un métier hyper varié car on peut travailler dans le sport, la pédiatrie, la cancérologie… Pour le moment, j’ai évité de faire trop de stages dans le sport car je voulais découvrir d’autres domaines, mais il y a des chances que je m’oriente en kiné du sport à la fin de mes études en 2026 (pour les sportifs de haut niveau, toutes les années sont dédoublées afin de faciliter leur carrière sportive, NDLR).

En attendant, comment vivez-vous de votre «métier » de paracycliste?

Je suis membre de l’armée des champions. J’ai prolongé jusqu’en  2026. C’est-à-dire que je suis salarié du ministère des Armées. Je ne suis pas militaire mais j’ai 
des missions autour de la communication et de la représentation. C’est un énorme soutien car cela nous permet de nous entraîner sereinement. Il y a aussi quelques partenaires privés qui nous permettent de vivre de notre sport et de financer nos saisons. Avant, c’était beaucoup plus compliqué, il y a eu du changement en vue des Jeux de Paris.

« J’adore Lyon, nous sommes près de tout ! »

Et Lyon dans tout ça ? Quel rapport entretenez-vous avec la ville ?

J’adore ! Déjà, pour la gastronomie ! Ce n’est pas très original mais c’est vrai, même si je fais attention en mangeant varié. Je peux faire quelques écarts
de temps en temps, ce n’est pas très grave car je brûle vite les calories avec mes entraînements. J’aime aussi mon quartier (le 8e arrondissement, NDLR), c’est calme et je ne suis pas très loin de la fac. Mon gros coup de cœur à Lyon, ce sont les transports en commun. Forcément, je n’ai pas de voiture, donc je me déplace uniquement en transports en commun et on a une ville assez agréable à ce niveau-là, c’est bien desservi. L’accessibilité, le métro par exemple, ça n’a rien à voir avec Paris. Enfin, je me déplace énormément et l’autre atout c’est que nous sommes près de tout, à deux heures de Paris, pas loin des Alpes et de la mer.

En dehors du vélo, vous pratiquez d’autres sports, vous jouez du piano…

Plus jeune, j’ai fait du ski et de l’équitation mais si je devais me mettre à fond dans un autre sport, j’aimerais bien essayer le ski de fond. Le piano, je m’y suis mis après les Jeux de Tokyo mais malheureusement c’est compliqué, on est souvent en déplacement et à chaque retour, je reprends d’en bas, c’est un peu frustrant.

Est-ce qu’il y a d’autres sportifs qui vous inspirent ?

Le biathlète Martin Fourcade. Sa carrière est impressionnante. Je l’ai vu au théâtre des Célestins cette année. Il y a aussi Charles Leclerc, pilote de F1 pour l’analyse qu’il a de sa performance, il sait reconnaître ses erreurs et ce n’est pas évident d’être aussi lucide sur soi. 

Biographie

Né à Lyon en 2000, Alexandre Lloveras est malvoyant de naissance, tout comme son frère Paul Lloveras, triathlète handisport lyonnais également en sélection pour les Jeux paralympiques de Paris, organisés du 28 août au 8 septembre. Après un parcours sport-études au Pôle France d’Athlétisme, à l’époque au lycée Jean-Perrin (Lyon 9e), puis à Talence, Alexandre revient à Lyon pour suivre des études de kiné à l’IFMK-DV, l’institut de formation en masso-kinésithérapie pour déficients de la vue (Lyon 8e). Il change de discipline et devient paracycliste dès 2018. Avec un champ visuel équivalent « à celui d’un trou de serrure », Alexandre court en catégorie B2, en tandem, accompagné par un guide valide. Déjà médaillé aux Jeux de Tokyo en 2021, il tente actuellement de décrocher sa sélection pour participer à trois épreuves olympiques : la poursuite (sur piste, 7 km), la course en ligne (environ 130 km) et la course contre la montre (28 km). Chevalier de la Légion d’honneur et membre de l’armée des champions, il espère pouvoir continuer sa carrière jusqu’aux Jeux de 2028, à Los Angeles. 
Pour le suivre sur Instagram : @alexandre_lloveras

Le carnet d'adresses d'Alexandre

Grimpeurs Cyclist House
« C’est un café-restaurant avec un espace mécanique et un espace d’entraînement avec des home-trainers. Il y a aussi une boutique. Tout ça autour du vélo. » 
2 rue d'Oran, Lyon 1er
Mont Thou
« Il y a énormément d’endroits magnifiques à faire en vélo à Lyon dont le mont Thou. La vue y est superbe, mais c’est vrai que la montée est un peu raide pour les débutants, surtout les 200 à 300 derniers mètres. »
Gueuleton 
« J’ai découvert cette adresse il n’y a pas si longtemps, c’est un excellent restaurant de viandes vers Foch. »
29 rue Molière, Lyon 6ème
Sherrington Express
« Quand je suis en cours, j’y vais parfois le midi pour changer du restaurant universitaire. Il y a le restaurant et à côté, ils font des plats à emporter. C’est équilibré, bien préparé, j’aime beaucoup. »
14 promenade Léa-et-Napoléon-Bullukian, Lyon 8ème
Cycle Bongiorno
« Fred – Frédéric Annequin – est sans aucun doute l’un des meilleurs mécaniciens de la ville. Je n’y vais pas souvent mais dès que j’ai un problème, je sais qu’il a la solution. »
52 rue Joannès-Vallet, Vénissieux