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Élodie Arnould : enceinte, mode d'emploi

Publié le 20/02/2024

Rire des petits tracas de la grossesse tout en s’offrant quelques saillies bien senties à l’intention des donneurs de leçons et des héritiers du patriarcat, c’est le pitch de Fécondée, spectacle écrit en quelques mois et joué façon pop-up par l’humoriste lyonno-clermontoise Élodie Arnould. Jeune maman, la stand-uppeuse sera de retour sur scène dans quelques mois. en attendant ? La captation du show est à revoir en replay tout l’hiver sur France TV.

Notre rencontre avec Élodie Arnould

Quelques chanceux ont eu l’occasion de vous voir à Lyon, cet été, lors du rodage de votre spectacle éphémère : Fécondée. Pour les autres, le spectacle est disponible en replay sur France TV. Comment est né ce projet ?

« Dans mon précédent spectacle, Future grande ?, je chante, je danse et je suis debout tout le temps. Enceinte, je savais que ça allait être compliqué de continuer à le jouer au-delà de trois ou quatre mois. De plus, c’est ma seconde grossesse et comme le dit ma gynécologue, vu mon âge (36 ans, NDLR), c’est presque une grossesse gériatrique ! Ça m’embêtait de rester oisive car ce n’est pas du tout mon style et j’avais déjà recommencé à travailler avec Briac, un ami de longue date rencontré à Marseille. C’est lui qui m’a suggéré de faire un spectacle sur ma grossesse, à partir des passages que nous avions déjà, et du livre que j’avais écrit pendant le confinement, Le Guide zéro tabou de la grossesse, illustré par une nana qui me fait trop rire : Maman Sa Mère.

Est-ce très différent de jouer enceinte ?

Sur scène, je suis quelqu’un d’assez dynamique, qui utilise tout son corps pour rendre les choses drôles. En tout cas, c’est comme ça que je me vois de l’extérieur ! Là, je ne peux pas faire toutes mes pitreries, je suis vite encombrée, impossible de bouger pareil. Je me suis autorisée à m’asseoir un peu, ça change l’ambiance mais après tout, c’est ce que je raconte qui est censé être marrant. 

Vous avez très peu joué ce spectacle sur scène, n’est-ce pas un peu frustrant ?

Si ! Franchement, j’aurais bien aimé en faire plus. Déjà pour mieux connaître mon spectacle parce que c’était difficile en termes de mémoire. Et puis les dates ont été complètes très rapidement, je sais qu’il y a beaucoup de gens qui voulaient le voir en live, j’aurais aimé pouvoir le faire.

Fécondée ne sera pas rejoué, c’est sûr ? 

C’était vraiment un concept de spectacle éphémère. Il y a des blagues que je ne peux faire qu’enceinte et je ne veux pas le faire avec un faux ventre, que ce soit factice. En plus, on peut voir le spectacle gratuitement pendant des mois en replay sur France TV, donc ceux qui veulent le voir n’ont pas d’excuse (rires !).

Vous êtes ingénieure de formation, comment êtes-vous arrivée à la scène?

L’humour, c’est une façon de communiquer dans ma famille, mais on n’avait pas spécialement d’appétence pour le théâtre. Enfant, j’étais à Grenoble, plutôt bonne élève. Après mon bac, je suis partie à l’Insa, à Lyon, pendant cinq ans, dont six mois en stage aux États-Unis, au Boston College, dans un labo scientifique. Après l’Insa, j’ai travaillé pour EDF à Marseille, dans le nucléaire, moitié sur le terrain et moitié dans les bureaux. 

« Le théâtre d’impro, le bonheur d’être sur scène et de faire rire les gens, ça a été la révélation ! »

C’est là que vous commencez l’improvisation ?

C’était vraiment un exutoire parce qu’ingénieur, ça se veut très sérieux comme métier. Le théâtre d’impro, le bonheur d’être sur scène et de faire rire les gens, ça a été la révélation ! Dans mon école, on faisait des matchs tous les mois et il fallait faire tourner les équipes, mais moi je voulais tout le temps en être. La prof a fini par me dire d’écrire des sketchs et d’aller me produire dans les comedy clubs.
 

Ensuite, vous rentrez à Lyon…

Je cherchais un cours d’impro parce que enfin, c’était la passion, j’étais à fond dedans. J’ai donc commencé les soirées Graines de Star Comedy Club à Villeurbanne. Au boulot, à ce moment-là, je suis dans un bureau d’études et je m’ennuie vraiment. Du coup, je décide de me lancer: j’ai pris un congé création d’entreprise, j’ai écrit mon spectacle et j’ai fait quelques dates au Complexe du Rire, à L’Espace Gerson et surtout au Boui Boui qui m’a programmée plusieurs mois d’affilée. Ça, c’était vraiment une grosse chance. Quand tu es humoriste, tu te bats pour trouver des dates, tu découvres le métier, tu fais des dossiers de présentation pour te vendre au théâtre, il faut se rappeler aux souvenirs des programmateurs… À Paris, c’est encore plus compliqué puisqu’il faut louer sa salle, c’est-à-dire que tu sais que tu risques de jouer à perte. 

Paris reste un passage obligé pour un humoriste ?

Je pense qu’il y a plusieurs chemins qui peuvent nous amener là où on veut aller. Sellig, par exemple, il est resté à Lyon et il a construit sa carrière ici tout en ayant une aura nationale. Après, pour avoir un peu de visibilité, pour faire des émissions de télé ou de radio, c’est là-bas que ça se passe, ce qui ne veut pas dire qu’on est obligés d’y habiter.

Vous écrivez seule ou avec d’autres auteurs ?

Cela dépend. Trouver un coauteur c’est difficile. C’est comme un mariage, il faut trouver quelqu’un avec qui ça colle vraiment. Quand tu as un bon coauteur et que tu lui parles d’une idée, qu’il réagit tout de suite, tu peux te dire que tu tiens quelque chose. Pour Fécondée, c’est vraiment 50-50 avec Briac. Sans lui je n’aurais pas réussi. J’amenais une idée, il rebondissait, je re-rebondissais et c’est comme ça qu’on a fait un spectacle en trois mois.

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux, c’est aussi un moyen de toucher plus de monde ?

Humoriste, tu peux te passer d’un producteur, pas des réseaux sociaux. Ça fait partie du métier même si c’est très différent de penser des sketchs pour la scène et des petites pastilles vidéo pour Instagram. Un sketch, on va l’écrire, travailler, chaque mot, chaque pause. C’est très précis. Les vidéos, c’est plus spontané, je prends juste quelques notes pour me rappeler de la blague et je filme. Au montage, je garde… ou pas. Il y a des trucs qui marchent sur Insta mais pas du tout en comedy club, ce n’est pas la même façon de consommer l’humour. Sur les réseaux, tu vas toucher un point intéressant et les gens vont se dire “Ah! c’est futé!” alors que sur scène, on cherche quelque chose de plus organique, un truc qui va te surprendre. Ce n’est pas la même mécanique et c’est plus dur d’obtenir des rires en live qu’un émoji “smiley qui pleure de rire” ou “tête de mort de rire”.

Avant Clermont-Ferrand, vous étiez lyonnaise, c’était comment la vie ici ? 

Lyon, c’est vraiment mes années étudiantes. C’est aussi la ville où vivent ma mère et ma sœur donc j’y reviens souvent. Ma mère a longtemps résidé à Monplaisir, non loin de la place Ambroise-Courtois. Il s’y passait toujours quelque chose. Une fois par an, il y avait des food trucks et des tables ; l’hiver, ils installaient une patinoire ; l’été, un cinéma en plein air. J’adorais. J’ai aussi habité à Charpennes mais c’était trop agité pour moi ! 

«Pour un humoriste, Lyon est un bon endroit où se tester»

Peut-on parler d’une école lyonnaise de l’humour ? 

Il y a quand même des gens plutôt sympas en France qui sont passés par Lyon. Par exemple, j’ai beaucoup d’admiration pour Florence Foresti. Elle a inspiré beaucoup de filles. Lyon est sans doute un bon endroit pour se tester. Le stand-up s’y est d’ailleurs développé de manière incroyable avec des gens comme Kacem Delafontaine ou encore Hermann Meva, parmi les premiers stand-uppeurs à créer des comedy clubs. Je suis un compte Instagram qui les répertorie tous : Cocorico Lyon. 

Le monde de l’humour, c’est une grande famille ?

C’est comme le collège. On connaît tout le monde de près ou de loin mais il y a des groupes qui se forment. À Lyon, il y a moins de concurrence donc encore beaucoup de solidarité. On se donne des conseils, c’est très amical même si forcément, il y a des gens dont tu es plus proche que d’autres. Pour moi, c’est Hermann Meva, Kacem Delafontaine, Lucas Hueso, Malik Mike, Chloé Drouet, Karim Duval…

Quels sont tes thèmes de prédilection sur scène ? 

Je me suis rendue compte que je suis quand même vachement féministe, ça transpire partout ! Ce n’est pas calculé, c’est vraiment ce que je pense et ce que j’ai envie de défendre, d’autant plus que je vais avoir une fille (l’interview a été réalisée avant la naissance, NDLR). Disons que j’aime beaucoup rire des tabous, déconstruire le cliché de la princesse ou de l’accouchement parce que dans les films, on ne parle jamais de pets ou d’hémorroïdes. J’aime cette transgression-là. À l’inverse, ce qui m’agace ce sont les rires faciles : tirer sur les gros, les handicapés, surfer sur les clichés liés aux Antillais, aux Noirs, aux Arabes, aux femmes. C’est efficace, ça va faire rire les gens mais pour moi, c’est non. Il reste toujours quelque chose de ces blagues. Dans l’ingénierie, les blondes sont moins embauchées que les brunes. Parce que je suis noire (Élodie a des origines malgaches, NDLR), j’ai eu un patron qui présupposait tout le temps que j’allais être en retard alors que je déteste le retard ! Je ne veux en aucun cas renforcer ces clichés, on peut rire de beaucoup d’autres choses. »

Biographie

Née à Grenoble en 1987, Élodie Arnould rejoint Lyon après son bac pour intégrer l’Insa dont elle sort ingénieure en mécanique. Après quelques années en bureau d’études, elle s’initie au théâtre d’improvisation puis se lance seule en scène testant ses premiers sketchs dans les cafés-théâtres lyonnais. Enceinte de son deuxième enfant, elle a coécrit cet 
été avec Briac, stand-uppeur marseillais et complice d’écriture de longue date, un éphémère spectacle événement autour de la grossesse et de la maternité : Fécondée

Plongées anatomiques, flatulences, fausses couches, conseils non sollicités… le show décortique et dégomme un par un les clichés et autres tabous sur la femme enceinte. Bon à savoir, le spectacle a été capté par France TV qui le propose gratuitement en replay jusqu’au 10 avril 2024.
 

Le carnet d'adresses à la lyonnaise d'Élodie Arnould

Le Boui Boui
7 RUE MOURGUET, LYON 5e
bouiboui.com

« C’est le seul théâtre en France qui te programme pendant trois mois minimum et ça, c’est incroyable. Ce format te laisse le temps d’installer les choses, de construire quelque chose de précis, de réfléchir à ce que tu veux dire, à ce que tu veux faire. »

Saint-Andrew’s
9 RUE MOURGUET, LYON 5e

« Un passage obligé les soirs où ça se passait moins bien. Ils me voyaient sortir et ils me disaient: “Allez, viens prendre un verre.” J’attendais généralement l’humoriste d’après, souvent c’était Jim. »

Dikkenek
3 RUE D’AUSTERLITZ, LYON 4e

« Un comedy club hyper chaleureux dans lequel il y a vraiment une bonne ambiance. »

La Grooverie
9 RUE DU JARDIN-DES-PLANTES, LYON 1er
lagrooverie.fr

« Ils font deux soirs par semaine : le premier avec un plateau de confirmés, des gens qui font des sketchs à peu près rodés ; le second avec des débutants qui viennent tester leurs premiers sketchs. C’est très sympa d’avoir ces deux ambiances. »

Graines de Star Comedy Club
197 RUE FRANCIS-DE-PRESSENSÉ, VILLEURBANNE
grainesdestarcomedyclub.wordpress.com

« Un lieu historique ! C’est le premier comedy club de Lyon et c’est aussi celui où j’ai commencé. »

Bar de l’Industrie
10 PLACE AMBROISE-COURTOIS, LYON 8e

« Une bonne brasserie, ils font un super chocolat chaud avec de la chantilly et des gaufres. »

La Fête des Lumières 

« Quand j’habitais à Lyon, j’y allais le mercredi pendant la présentation aux journalistes, tu pouvais tout voir sans qu’il y ait trop de monde. Sinon, c’était le dimanche. »